Le signal d'Hensies

Qu'il soit initié ou non à la sculpture moderne, tout automobiliste qui traverse le poste-frontière d'Hensies-Saint-Aybert sur l'autoroute Paris-Bruxelles ne peut qu'être interpellé par le gigantesque signal en béton de l'architecte-sculpteur Jacques Moeschal (1913-2004). 

Vu son poids (2 400 t) et la prise au vent de sa forme gracile perchée à 65 m de hauteur, l'œuvre est surtout un défi technique. En 1972, Moeschal a déjà réalisé plusieurs travaux spectaculaires d'art public. C'est la célèbre « Flèche du génie civil », un grand aiguillon lancé vers le ciel et exécuté en collaboration avec Jean Van Doosselaer, qui est à l'origine d'une série de travaux dont les symboliques font écho à leur paysage et à leurs sites d'inscription. Son « Monument », installé à Zellik, à la sortie de Bruxelles, est posé au kilomètre zéro de la première autoroute belge tracée en 1963 entre Ostende et la capitale. 

Pour Jacques Moeschal, le paysage autoroutier est une métaphore moderne du chemin de la vie. C'est après une série d'œuvres à l'étranger - Eisenstadt (Autriche, 1959), désert du Néguev (Égypte, 1972), Mexico (Stade olympique, 1972) - que Moeschal exécute cette commande dont la fonction est double : marquer le passage de la frontière et immortaliser l'amitié franco-belge. Cette amitié, Moeschal la formule en un signe simple élaboré par la technique de l'origami : deux pyramides tronquées entrecroisées qui symbolisent deux mains enlacées. 

Après avoir été coulée sur place, la tête de la sculpture fut montée à la vitesse de 20 cm par jour à l'aide de vérins hydrauliques. Moeschal, un des premiers à avoir utilisé avec tant de virtuosité le béton dans la sculpture, est à l'origine d'une fusion naturelle des métiers d'ingénieur, de sculpteur et d'architecte. 

Par sa méthode et les formats de ses œuvres, cet élève puis professeur à l'Académie de Bruxelles est l'un des inventeurs de l'art environnemental.

Ludovic Recchia